Portraits de la pensée : A. Tapié

Portraits de la pensée au Palais des Beaux Arts de Lille. Une visite guidée de l'exposition et une interview exclusive d'Alain Tapié, Commissaire général, Conservateur en Chef du Patrimoine, par Chantal Clouard.

« Comment la peinture peut-elle parvenir à figurer la pensée ?
Comment peindre l’âme capturée par quelque chose qui est encore en elle une énigme? (…)
Comment montrer l’univers psychique livré à l’absence de tout contenu identifiable? »

Telles sont les vertigineuses questions auxquelles répond Pascal Quignard dans un essai magistral du catalogue de l’exposition “Portraits de la pensée”, organisée par Alain Tapié au Palais des Beaux-Arts de Lille..

Le visiteur est saisi par le subtil dispositif scénographique de l’exposition: un cube gris central dans lequel il ne pénétre que par un sombre couloir, autour duquel est suspendue en rang serré, sur fond rouge, une série de portraits.

Sont ainsi réunis plus de cinquante tableaux des maîtres du XVIIe siècle, représentants de ce Siècle d’Or espagnol, effervescent sur le plan artistique, mais aussi des peintres d’Italie et de l’école caravagesque d’Utrecht.

Le “Platon” de Luca Giordano et “Le philosophe cynique” dialoguent avec les portraits de St Thomas de Diégo Vélasquez, avec “St Paul ermite,” “St Jérôme “et la “Sybille” de José de Ribera. “Démocrite le philosophe rieur ”de Johannes Moreels est confronté à l’ “Héraclite”, triste, tel que l’a représenté Hendricks ter Brugge.

Dans la tradition artistique, l’invisible trouve toujours à s’incarner dans un corps, dans un geste, dans la lumière qui surgit d’un visage, dans l’intensité d’un regard, que celui-ci soit extatique ou plongé dans une intense méditation philosophique. Profanes ou sacrés, les portraits qui se répondent dans la vaste galerie rouge que parcourt le visiteur sont autant d’allégories de la pensée, représentée par ses attributs: crâne, livres, bougie, mappemonde ou dépouillement du vêtement reflétant la richesse intérieure.

L’installation centrale, lumineuse et sonore de l’artiste américain, Bill Viola, consacrée à St Jean de la Croix, restitue et prolonge cette expérience de méditation.