Antonio Seguí

Un entretien d’A. Seguí avec Chantal Clouard.

Peintre, graveur et sculpteur de renommée internationale, Antonio Seguí a exposé dernièrement à la Galerie Laurent Strouk à Paris des peintures et sculptures des années 2000 à 2015. En 2012, à l’occasion du colloque de Cerisy-La-Salle, consacré à la Narrativité, il nous avait reçu dans son atelier.

Antonio Seguí est né en 1934 à Cordoba en Argentine qu’il quitte à l’âge de 17 ans pour étudier la peinture et la sculpture à Buenos Aires. Puis il  poursuit sa formation en Europe, à Paris et à Madrid et se forme aux  techniques de la gravure au Mexique.

Après une première exposition personnelle à Cordoba en 1957, il s’installe définitivement à Paris en 1962, puis dans la proche banlieue où il vit désormais.

Le peintre que  la musique d’Erik Satie a attiré en France   se fait rapidement connaître lors de la Biennale de Paris en 1962 où il expose des collages mêlant photographies et peinture.

En 1964, la galerie Jeanne Bucher et la galerie Claude Bernard présentent  des œuvres où les traces de l’Expressionnisme allemand qui l’a marqué à ses débuts sont encore sensibles.

Depuis cette date, Antonio Seguí jouit d’une renommée internationale, avec des oeuvres dans les musées du monde entier et des expositions nombreuses en Amérique Latine, aux Etats-Unis ainsi qu’en Europe.

Le Musée national d’art moderne, centre Georges Pompidou, lui a consacré en 2005 la première rétrospective de son œuvre sur papier.

En juin 2012, la galerie Frédéric Storme de Lille a présenté ses œuvres récentes (peinture, pastels et sculptures).

« Néo-marginal », comme il se définit lui-même, Antonio Seguí s’est tenu à distance des grands mouvements artistiques, même s’il a croisé le Pop Art ou la Figuration narrative, et  impose toujours un style vigoureux en évolution permanente.

Procédant par séries, sa maîtrise du dessin et l’emploi d’une large palette coloristique lui permettent d’explorer toutes les techniques, fusain, acrylique, non-peint, monochrome, insertion d’écrits comme dans la bande dessinée. Dans ses dernières œuvres, les personnages entrent et sortent du cadre qui ne les contient plus. L’humour, hérité de la caricature très active en Argentine dans les années 30, est toujours présent. Car sous la drôlerie et l’apparente simplicité, le tragique s’exprime toujours avec la distance de la dérision.

« Il m’est presque impossible de me séparer de la figure humaine (…), déclare t-il, car elle incarne la présence de l’homme et cette présence justifie ce que je fais. C’est mon credo. »

« À flux continu », selon l’expression de Daniel Abadie, depuis les premiers portraits de groupes, jusqu’aux silhouettes stéréotypées des séries actuelles, des hommes sont rassemblés sur la toile, affairés dans les villes, dans la profusion de détails banals. Des hommes debout qui gardent leur chapeau, des hommes qui marchent emportés par leur cravate, croisent des femmes sexy qui ne les regardent pas et vont vers on ne sait quel destin. On leur emboîterait le pas, à moins que leur propre déroute ne soit la nôtre et ne nous ramène vers un passé empreint de nostalgie… Mais  comme il le dit lui-même : « Je vous fournis des éléments, à vous de faire l’histoire ! ».

L’art de Seguí, travailleur infatigable, embrasse toute une foule humaine, celle du monde présent, « une société  à la pensée unique, où l’économie se mondialise, où les pouvoirs se concentrent » et avec elles «  les injustices et les violences », celle du passé qui survit dans les créations artistiques de leur tradition.

Grand collectionneur d’art précolombien et africain, Antonio Seguí vit parmi les statues Mumuyé du Nigeria, les masques funéraires du Chancay et d’éléphants Bamiléké, toute une « compania » choisie pour son expressivité et sa picturalité. 

De même, son passé personnel avec ses soldats de plomb et ses jouets populaires ne cesse de l’influencer. « Mon enfance me donne des raisons de continuer ce travail »,  affirme t-il.

Antonio Seguí  fuit les discours conceptuels : « la vie n’est pas toujours réflexion (…) », « ma peinture est là, elle ne cache rien, elle dit tout ».

Oeuvre ouverte pour le spectateur, inépuisable, elle dit en effet, combien la société le dérange, celle qui opprime, impose les dictatures, tente de priver l’homme de son passé, de sa liberté et de son bon plaisir. Et combien il importe de résister ! « Utopie est un mot que j’adore… - en espagnol, on dit « utopia »- c’est un mot qui a une grande valeur pour moi : mes utopies sont intactes ! ».

Références indicatives et citations extraites de :

  • Les voyageurs sans bagages d’Antonio Seguí, Daniel Abadie, Antonio Seguí, Peintures, sculptures, gravures (1980-2004), Centre d’Arts Plastiques, Royan, France, 2005.
  • Catalogue de la rétrospective du Centre Pompidou. Antonio Seguí, Œuvre sur papier, sous la direction de Claude Schweisguth, 2005.
  • Site officiel de l’artiste :  www.antonio-segui.com
  • Galerie Laurent Strouk, Paris. www.laurentstrouk.com