Et maintenant…

Caroline Eliacheff aux Matins de France Culture le 14 mars 2012, « Et maintenant » à la suite de la sortie des recommandations de bonne pratique pour les interventions éducatives et thérapeutiques chez l’enfant et l’adolescent avec autisme.

Caroline Eliacheff aux Matins de France Culture 14 mars 2012.

Il ne vous aura pas échappé que la Haute Autorité de Santé a rendu ses recommandations sur la prise en charge de l'autisme. Le collège de cet organisme créé en 2004 pour la promotion des bonnes pratiques, le bon usage des soins et la diffusion de l'information médicale, compte sept membres dont une seule femme, juste pour dire que le bon exemple en matière de parité ne vient pas de l'Etat. Pas un psychiatre n'en fait partie.

Aucun avis de cette noble institution n'avait suscité un tel intérêt médiatique car il ne s'agissait pas moins que de trancher pour savoir si la psychanalyse -tenue pour unique responsable du retard de la France - devait être interdite dans la prise en charge de l'autisme.

L'HAS a finalement jugée la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle "peu pertinente", la recherche clinique restant néanmoins encouragée, ce qui n'est pas le moindre paradoxe. La question est maintenant de savoir comment ces recommandations vont être appliquées. Les autistes doivent-ils quitter les hôpitaux de jour pour ne pas être contaminés par d'affreux psychologues qui ont le tort de ne pas les réduire à leurs symptômes alors même qu'ils y ont aussi accès à des méthodes comportementales ? Est recommandée l'approche éducative, comportementale et développementale avec un taux d'encadrement d'un adulte pour un enfant et un rythme hebdomadaire d'au moins 20-25 heures par semaine. Quelle structure va obtenir de tels crédits en cette période de forte restriction budgétaire ? Curieusement, aucune recherche sur les méthodes comportementales n'est préconisée. En les développant, un retard sera comblé mais nous resterons en retard sur les Etats-Unis et le Canada où elles sont évaluées. Or, l'Académie américaine de pédiatrie estime que la force de la preuve des méthodes comportementales est insuffisante à basse, tandis que Michelle Dawson, chercheuse autiste à Montréal, oriente ses recherches sur de potentiels effets néfastes de ces thérapies, jugeant les recherches existantes sur les traitements de l'autisme de qualité médiocre.

Certaines associations de parents d'autistes sont violemment opposées à l'accueil des autistes en hôpital de jour où il est exceptionnel qu'un enfant reste à temps plein. L'HAS les a entendus en "privilégiant la scolarisation en milieu ordinaire avec un accompagnement éducatif et thérapeutique individuel à l'école et au domicile". On estime qu'entre 92.000 et 107.500 jeunes de moins de 20 ans sont atteints d'un TED en France. Un accompagnement individuel devrait créer au bas mot 100.000 emplois pour les services d'éducation spéciale et de soins à domicile, actuellement exsangues et peu formés à la prise en charge des autistes.

Autre paradoxe : il semble que pour éviter l'interdiction de la psychanalyse, il a fallu sacrifier le packing, cette méthode d'enveloppement utilisée dans les cas graves d'automutilation à laquelle la HAS se déclare "formellement opposée". Mais elle n'a pas le pouvoir d'interdire la recherche approuvée par le Ministère de la santé, le Haut conseil de la Santé publique et le Comité de protection des personnes. Si bien que les équipes qui pratiquent le packing devront demander aux parents l'autorisation d'inclure leur enfant dans une recherche visant à prouver l'efficacité d'une technique par ailleurs interdite!

La bonne nouvelle, c'est que si les recommandations de la HAS ne sont pas rapidement appliquées, la soi-disant résistance des psychiatres-psychanalystes ne pourra plus être invoquée. La pertinence des avis de l'HAS, si !