Penser la violence obstétricale

Isabelle Hanquart, docteure en philosophie et sage-femme convoque Nietzsche et la question de la plainte pour éclairer le débat sur la violence obstétricale.

Des recours intentés devant les tribunaux aux expériences personnelles livrées sur certains blogs, des journaux sérieux ou à scandales aux magazines féminins, des témoignages plus ou moins passionnés lors d’émissions télévisées ou radiophoniques, nous tenons là des indicateurs d’une augmentation des plaintes relatives aux violences obstétricales. Cela témoigne-t-il de la levée d’un tabou médical, d’une dénonciation devenue possible au sein de notre société ou bien d’une réelle augmentation de faits condamnables selon les lois, la déontologie, la morale ? Si toute plainte mérite d’être entendue, le traitement de la souffrance qui l’accompagne nécessiterait de lire celle-ci à l’aune de la science obstétricale et de quelques perspectives philosophiques. L’analyse de ces plaintes pourrait être utile aux médecins, sages-femmes, thérapeutes donc indirectement aux patientes qui sont, seraient ou auraient été victimes de telles violences. Cela requiert de caractériser lesdites violences puisqu’il est inhérent au soin d’être paradoxal, a fortiori en obstétrique où la polarité plaisir –douleur est exacerbée et,oùla patiente et l’enfant à naître sont en tension entre protection et violation.Au-delà des violences manifestes, délibérées et répréhensibles, l’enjeu est davantage de démasquer la banalité du mal en obstétrique et de saisir de quoi les plaintes sont le symptôme. En amont d’une regrettable expérience intime, il en va vraisemblablement de l’évolution de notre rapport culturel à la souffrance, au savoir, au pouvoir médical et à la puissance des femmes.

Isabelle Hanquart

Isabelle Hanquart est l'auteure de La critique nietzschéenne du sujet moral kantien et Le caractère moral chez Kant: Le sujet peut-il choisir son caractère nouménal sachant qu'il n'y a pas de psychologie rationnelle ?

 

Pour prolonger le débat, Paul Cesbron, ancien gynécologue-obstétricien, ancien Chef de Service de la maternité de Creil, Président de l’Association Nationale des Centres d’Interruption de grossesse et de Contraception de 1994 à 2004, secrétaire de la Société d’Histoire de la Naissance nous propose le texte ci-dessous, "A propos des violences obstétricales". Il est par ailleurs l'auteur de L’interruption de grossesse après la loi Veil, La Naissance en Occident, et Neuf mois pour devenir parents.