Commentaires de la Cippa sur le plan autisme 2008/2010

On ne peut que se féliciter du fait que le gouvernement ait pris largement conscience des difficultés encore trop souvent rencontrées en France par les personnes autistes et leurs familles. Le Plan 2008/2010 fait référence au manque d’élaboration et d’actualisation des connaissances sur l’autisme et plus généralement sur les troubles envahissants du développement. Instaurant un dialogue avec les familles et les Associations, trois axes de réflexions ont été élaborés. Ces trois Axes portent sur l’ensemble des problèmes liés à la pathologie autistique ainsi qu’aux troubles envahissants du développement. Le premier axe s’intitule « Mieux connaître pour former » Le second axe : « Mieux repérer pour mieux accompagner » Le troisième axe propose que soient diversifiées « les approches dans le respect des droits fondamentaux de la personne » Précédant les développements de ces trois axes, une introduction fait état d’une circulation d’idées fausses concernant ces pathologies et souhaite qu’à cet égard soient :

  • élaboré un corpus de connaissances commun,
  • étudiée l’épidémiologie de l’autisme et des troubles envahissants du développement (TED -Développée la recherche en matière d’autisme.

A tout ceci la Cippa ne peut que s’associer complètement. En effet, on ne saurait trop se féliciter des propositions du Plan lorsqu’elles ont pour but de suppléer aux manques de tous ordres que l’on peut encore constater aujourd’hui concernant l’autisme et les TED. Nous pensons cependant, que le courant psychodynamique doit participer à l’élaboration du corpus de connaissances commun, étant donné les éclairages importants apportés sur les « vécus de l’intérieur » des personnes autistes et leurs difficultés spécifiques d’organisation de leur personnalité.

Par ailleurs, le Plan note que des progrès ont été accomplis en matière de places d’accueil, de formation des professionnels, des abords diagnostiques et des recherches scientifiques mais il insiste sur le fait que tout ce qui vient d’être évoqué reste cependant de l’ordre des « problématiques aigues ».

Au cours des développements concernant les trois axes cités, le Plan autisme garde des positions modérées quant aux bénéfices des prises en charge diverses. Il en reconnaît tout l’intérêt, mais insiste sur la nécessité d’une évaluation objective des résultats de chacune d’entre elles et sur l’égale nécessité de liens plus étroits entre les recherches expérimentales, cliniques et pédagogiques. Ici, la CIPPA ne peut que regretter encore une fois que ne soient pas évoquées les recherches psychodynamiques. Aujourd’hui certains scientifiques, qu’ils soient généticiens, neurologues ou cognitivistes, reconnaissent que leurs constats actuels ne viennent que confirmer des observations faites depuis près de trente ans par les psychanalystes sachant travailler avec les personnes autistes. Ajoutons que lorsque, dans ce plan, sont évoquées les « bonnes pratiques cliniques » concernant les diagnostics d’autisme et de TED, la question que l’on peut se poser est: « de quoi parle-ton ? » Ne s’agit-il pas « d’observations pratiquées au chevet  du malade » cf. dictionnaire Larousse. N’est-il pas question d’observer ses comportements, ses capacités corporelles et sensorielles, ses possibilités de compréhension du langage et ses capacités de communication et de socialisation? Que font d’autre les psychanalystes qu’ils soient médecins ou psychologues lorsqu’ils proposent des hypothèses diagnostiques dont les évaluations formelles donneront confirmation ou infirmation ? Que le Plan insiste sur le renforcement de l’accès aux soins somatiques, sur l’amélioration nécessaire des évaluations, qu’il insiste également sur l’information à donner aux parents, tout cela relève du bon sens le plus élémentaire et on ne peut que remercier le « comité autisme » d’y insister.

Il est intéressant de souligner que, lorsqu’est évoqué le dispositif d’annonce diagnostique aux parents, (objectif 13) il est fait état d’un « soutien psychologique » si les parents le souhaitent. N’y a-t-il pas alors à s’étonner que l’on fasse deux poids deux mesures entre les parents et leurs enfants lorsqu’il s’agit de souffrance psychique. Poussons jusqu’au grotesque, si une personne autiste ne souffrait pas de son état autistique, pourrait on encore la considérer comme une personne ? Il y va du respect qu’on doit à ces personnes autistes, de prendre en compte tout ce qui les pénalise aux niveaux cognitif et psychologique, car ceux-ci sont en permanente jonction ou disjonction. Proposer aux personnes autistes des moyens adéquats d’apprentissage est tout à fait indispensable et le Plan a raison d’y insister mais pourquoi faut-il ne pas dire que de soutenir ces personnes dans leurs difficultés psychiques est tout aussi nécessaire.

Nous relevons dans le texte que seuls les autistes ayant « des troubles associés » bénéficieraient d’une prise en charge psychiatrique. Nous pensons que quelque soient les origines de l’autisme et des troubles envahissants du développement, elles sont toujours reconnues comme infiniment handicapantes sur le plan de la communication, de la régulation des émotions et par conséquent de l’organisation de la personnalité. Ne sommes nous pas d’emblée avec des troubles psychiques qui sont aussi l’affaire du psychologue et du psychiatre. Ce ne sont pas des troubles associés mais des troubles intrinsèquement liés au handicap. Faut il détailler ici que les troubles psychiatriques dit associés, que ce soit l’automutilation, les troubles obsessionnels allant jusqu’au TOC ou les évolutions psychotiques, sont dans la logique psychopathologique évolutive des troubles autistiques insuffisamment traités sur le plan psychologique. Les difficultés considérables de compréhension d’eux-mêmes et des autres mettent les personnes autistes face à des difficultés à vivre importantes qu’elles aient ou non des troubles associés psychiatriques caractérisés. Elles peuvent être beaucoup mieux soulagées par un suivi psychanalytique largement associé aux apprentissages. Nos expériences de collaboration suivie avec des éducateurs et des enseignants le confirment largement. Nous trouvons, à ce propos, tout à fait intéressant que le Plan évoque (objectif 8) la nécessité de « faire évoluer les métiers » et qu’elle cite dans les nouvelles fonctions à pourvoir : « un accompagnement psycho-éducatif. ». En effet, un grand nombre d’équipes ont aujourd’hui réalisé que cette articulation psycho­éducative était majeure dans le suivi qu’elles proposent aux personnes autistes. Elles ont pris conscience que le soutien psychique pouvait permettre une meilleure compréhension des apprentissages et que le contraire était tout aussi vrai. On voit donc de plus en plus d’institutions, qu’elles soient sanitaires ou médico-sociales cherchant à travailler ensemble Elles unissent leurs moyens pour proposer aux personnes autistes ces approches dont le Plan reconnait l’importance. C’est ainsi qu’un certain nombre d’institutions médico-sociales font appel à des CMP (Centres médico-psychologiques) pour proposer des psychothérapies psychanalytiques aux personnes autistes qu’elles accueillent et que ces mêmes CMP demandent des intégrations dans le médico-social.

Malgré ces regrets concernant l’absence de place donnée à l’approche psychodynamique, la CIPPA s’associe largement aux mesures proposées, concernant le développement du diagnostic précoce ainsi que le soutien aux parents, quant à l’orientation à proposer à leur enfant. Nous y ajouterons l’importance que nous attribuons à organiser avec eux un véritable partenariat.

Favoriser les insertions en milieu ordinaire et donner aux personnes autistes adultes toutes les possibilités de disposer d’un « chez soi » sont également des mesures extrêmement importantes et auxquelles nous nous associons pleinement.

Marie Dominique Amy, présidente
Geneviève Haag, secrétaire générale